Jeu de sable

Aux origines du Jeu de sable

Le Jeu de sable trouve ses origines dans les travaux de la pédiatre britannique Margaret Lowenfeld (1890-1973) qui, à la fin des années 1920, développe une approche thérapeutique novatrice adaptée aux enfants et adolescents : le Jeu du monde (World Technique). À partir de la fin des années 1950, la thérapeute d’enfants Dora Kalff, originaire de Suisse, enrichit considérablement la technique de sa prédécesseuse grâce notamment à la psychologie jungienne. Dora Kalff nommera sa technique thérapeutique : la Thérapie par le Jeu de sable (Sandplay Therapy).

Des plateaux de jeux aux bacs de sable

En 1928, Margaret Lowenfeld crée sa propre clinique au nord-ouest de Londres : Clinic for nervous and difficult children. Lassée d’être perpétuellement confrontée aux limites de la cure par la parole imposée par la tradition des milieux psychanalytiques, elle élabore sa technique en prenant le contre-pied des thèses psychanalytiques de l'époque autour du jeu dans le cadre des thérapies d’enfants (Mélanie Klein, Anna Freud). Margaret Lowenfeld décide de s’inspirer des dispositifs et règles de jeux créés par Herbert George Wells, célèbre écrivain et penseur britannique.


Herbert George Wells inspiré par ses deux fils expose dans son livre Floor games, paru en 1911, des principes de jeux simples : mettre à disposition des enfants une multitude de jouets miniatures et de plateaux de bois de différentes dimensions afin qu’ils puissent donner libre cours à leur imagination, construire leurs mondes — plus ou moins civilisés — et s’en aller à la découverte de l’univers créé par l’autre. 


Margaret Lowenfeld proposera d’abord ce dispositif avant d’avoir l’idée de remplacer les plateaux de jeux en bois par des bacs remplis de sable. Elle confiera avec pudeur que ce sont les enfants qu’elle a reçus en thérapie qui ont créé sa méthode et non l’inverse. C’est ainsi que naît le Jeu du monde connu aussi sous le terme un peu moins académique de Magic box, surnom donné spontanément à sa technique par ses jeunes patients.

Margaret Lowenfeld

Margaret Lowenfeld en séance dans sa clinique à Londres

 ⓒ Dr Margaret Lowenfeld Trust

Herbert George Wells

Détails d'une ville dans Floor games

 ⓒ Bragelonne (2018)

L'Europe à l'heure du test

Le Jeu du monde attire à partir du début des années 1930 et à travers toute l’Europe, la curiosité d’éminentes personnalités du monde de la psychologie. Charlotte Buhler, psychologue d’origine allemande, est l’une des premières personnes à s’intéresser d’aussi près aux travaux de Margaret Lowenfeld avant d'entreprendre ses propres recherches et d’aboutir, en 1950, à la création d’un test permettant de diagnostiquer des troubles psychologiques : le test du Monde (World Test).


En 1939, Henri Arthus, psychologue français, découvre ce test à l’occasion d’un voyage professionnel en Hollande. La technique lui fait une si forte impression qu’il décide de la ramener avec lui à Paris pour accomplir ses propres recherches. Il développe avec le temps une nouvelle version en faisant le choix de limiter la variété d’objets à l’univers des villes, puis des villages. Il nommera son outil : le test du Village.


En 1945, Pierre Mabille, médecin français, reprend ce dernier test, et fait considérablement avancer les travaux de son prédécesseur. Il en propose en 1950 une nouvelle standardisation avec pour objectif de permettre le diagnostic des structures de personnalité.


En 1960, Roger Mucchielli, neuropsychiatre, psychologue et philosophe français, approfondit les travaux de Pierre Mabille et développe sa propre version du test : le test du Village imaginaire. Dès lors, son test projectif attire l’attention des milieux psychiatriques infanto-juvéniles et se développe dans toute la France. La passation de tests du Village imaginaire a diminué, car la fabrication et la diffusion du matériel se sont interrompues en raison d'un coût de production trop élevé. L'Association pour la Recherche en Psychothérapie Existentielle par le Jeu (A.R.P.E.J.), basée à Rennes, compte parmi ses membres de nombreux psychologues qui l'utilisent encore comme test de diagnostic (Le Village imaginaire, Roger Mucchielli, 1976) ou de méthode de psychothérapie (Le Village itératif, Yvonne Denis, 2015).

Margaret Lowenfeld

Le test du Village imaginaire

Roger Mucchielli (1976)

 ⓒ EAP

De la technique à la thérapie des profondeurs

En 1954, le Jeu du monde éveille l’attention de la thérapeute d’enfants Dora Kalff (1904-1990), psychanalyste d’origine suisse formée à l’Institut Carl Gustav Jung de Zurich. Pressentant la forte potentialité thérapeutique de ce dispositif unique, elle décide de se rendre l’année suivante à Londres pour se former auprès de Margaret Lowenfeld. C’est à partir de 1958, qu’elle décide de revisiter et d’enrichir l’approche de sa prédécesseur en y intégrant la psychologie analytique développée par Carl Gustav Jung et les philosophies et pratiques méditatives orientales. Elle intitulera sa méthode : la Thérapie par le Jeu de sable (Sandplay Therapy).


Le procédé met l’accent sur les bienfaits de « l’espace libre et protégé » du bac à sable et de l’environnement thérapeutique que le thérapeute induit en accueillant inconditionnellement son patient par sa présence silencieuse, active et engagée. Elle ne juge pas et ne fait aucune interprétation. Elle dirige simplement son attention vers les jeux de sable que ses patients élaborent au fur et à mesure afin d’en saisir les enjeux inconscients. L’interprétation des bacs est réservée pour la fin de la thérapie. De ce fait, elle analyse autant la succession des jeux réalisés tout au long du processus que chaque jeu isolé.

Margaret Lowenfeld

Dora Kalff en séance dans son cabinet à Zollinkon

 Peter Ammann (1972)

Des « Jeux » de sable

Lorsque le Jeu du monde et le Jeu de sable traversèrent l’Atlantique au cours de la seconde moitié du XXème siècle, ils rencontrèrent le courant des thérapies humanistes déjà bien installé en Amérique du Nord. C'est au début des années 1990 que le travail thérapeutique avec des objets miniatures et un bac à sable a pris véritablement de l’essor. Notamment grâce à Gisela Schubach de Domenico, docteur en psychologie originaire de Californie, qui permit l’élargissement du dispositif aux couples, familles et groupes. Après plusieurs années de pratique et de recherches, elle finit par développer sa proche technique qu’elle intitulera : Bac à sable-Jeu du monde (Sandtray-Worldplay).


De nos jours, la vision intégrative du travail thérapeutique avec des figurines et un bac à sable se nomme : la Thérapie par le Bac à sable (Sandtray Therapy). Cette approche est principalement promue des thérapeutes humanistes et intégratifs comme Linda Homeyer, Daniel Sweeney, Stephen A. Armstrong et Amy Flaherty pour les USA. Plus proche de nous, en Europe, Christine Dormal associe le sable et les figurines à la neurophysiologie et à l'hypnose ericksonienne. La Thérapie par le Bac à sable est principalement développée en Amérique du Nord et dans le monde anglo-saxon, cette technique est promue par l'International Association for Sandtray Therapy, la World Association of Sand Therapy Professionals et la Play Therapy International. Bien que le Jeu du monde de Margaret Lowenfeld ait inspiré le premier de nombreux thérapeutes à travers toute l’Europe à partir des années 1950, c’est l’approche thérapeutique — dite jungienne — du Jeu de sable développée par Dora Kalff qui est actuellement la plus couramment utilisée dans le monde grâce au travail de transmission effectué par Dora Kalff et ses héritiers pour l'International Society for Sandplay Therapy et Barbara Turner pour l'Association for Sandplay Therapy.

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